jeudi 20 décembre 2012

Les sept péchés capitaux du parent : tome 2

Parce que l’heure est aux bilans et aux bonnes résolutions, voici la suite. Où l’on constate encore que la parentalité, ça éveille parfois en nous des choses pas jolies jolies… Nommément, en ce joli, euh, pourri jour du mois de décembre, l'avarice. Si si.

Je vous vois déjà vous lever en protestant : « De l’avarice, ça va pas la tête, non ? Alors que je suis client gold chez le marchand de jouets, que j’ai payé les vacances du pharmacien et la nouvelle voiture du marchand de fringues pour enfants ? Que j’ai demandé à mon chef de virer directement mon salaire sur le compte de la nounou et que quand j’appelle mon banquier, ma sonnerie attitrée c’est « Petit papa Noël » ?

Calmez-vous. Rasseyez-vous. Ramassez le verre que vous venez de faire tomber. Tout va bien. Voyez-vous, je ne vous accuse pas de radinerie. Non, l’avarice, ce n’est pas nécessairement enterrer un coffre de pièces d’or au fond du jardin en portant des chaussettes rapiécées parce qu’on ne veut surtout pas dépenser son sou fétiche. A l’origine, c’est « l’accumulation des richesses recherchées pour elles-mêmes. » (avaritia en latin) (je suis trop cultivée comme fille) (wikipedia powa)

Vous ne voyez toujours pas de quoi je veux parler ? Faisons un petit voyage dans le temps. Fermez les yeux. Essayez de revoir votre studio d’étudiant(e), il y a 10 ans (bon, d’accord, 15. Ah, vous 25 ? nan mais c’est pas grave hein, j’ai rien contre les vieux. Reprenons.)

Au mur, des posters scotchés, récupérés dans des vidéos clubs. Une table Emmaüs. Un fauteuil récupéré dans la rue. Des assiettes dépareillées (elles étaient là quand j’ai emménagé).
« Nan, ça va, j’arrive bien à vivre avec 500 euros par mois ; limite, quand je gagnerai plus, je me demande ce que je ferai de tout ce fric. »

Au bout d'un moment, on s'habitue aux démangeaisons


On ignorait alors que, tapie dans l’ombre, l’immonde sorcière Marketing nous observait en ricanant. On pensait lui échapper. On ignorait qu’elle avait une arme secrète. Un gros tampon flamboyant, avec écrit dessus en gros : « BÉBÉ ». C’est un tampon magique, qui, appliqué sur n’importe quel objet du quotidien (thermomètre, compote, serviette…) en fait doubler le prix.

On a cru encore qu’on résisterait.

« Un enfant, ça a besoin des bras de son papa et de sa maman, c’est tout ! »
« Comme cadeau, on demandera seulement des livres, pour lui. On va pas en faire un pourri gâté. »

On était convaincus, on y croyait.

Ouvrez les yeux, maintenant. (Oui je sais, ils étaient pas vraiment fermés, sinon vous auriez pas pu lire. C’est une façon de parler. Laissez tomber.)

Regardez autour de vous. (si vous êtes chez vous, hein. Si vous êtes dans le métro, ça n’a pas de rapport. Mais vous pouvez regarder autour de vous quand même, histoire de vérifier que personne n’est en train de vous tirer votre sac.) 

Vous le voyez, ce sapin qui vous nargue, pour lequel vous avez déjà accumulé 8 kilos de cadeaux en plastique planqués dans votre penderie ? Cette balancelle qui coûte le prix d’un week-end à Venise et dans laquelle votre princesse n’a jamais voulu dormir parce qu’elle balance latéralement et pas verticalement ? Ce thermomètre frontal magique censé donner la température de l’enfant sans même le réveiller, ainsi que la température de la pièce, la durée de cuisson des œufs à la coque et l’âge du capitaine, et qui n’a jamais affiché autre chose que 32° ? 

Je suis formel, votre fille est un lézard


Ce coussin transat sans lequel aucun enfant ne pourrait s’endormir sereinement, et qui sert aujourd’hui de coussin au chat? (et dégage une persistante odeur d’urine ; le chat ou le bébé ?) Cette poussette-tank qui a écrasé la moitié des orteils du quartier et qui rouille à la cave parce qu’au bout de 5 mois et demi, il a fallu acheter une poussette canne, sur la demande conjointe de vos voisins et de votre kiné, qui vous promettait un lumbago carabiné si vous continuiez à porter ce truc dans les escaliers 4 fois par jour ?

Ce n’est pas de « l’accumulation des richesses recherchées pour elles-mêmes », ça, peut-être ?

« Mais mais euh, c’est pas pour elles-mêmes ! C’est pour mon enfant ! Pour son bonheur ! Son bien-être ! Sa santé ! »

Je ne vous en veux pas, vous savez. Vraiment pas. Je ne vaux pas mieux. 

Moi aussi, il m’est arrivé de me réveiller en sueur, au milieu de la nuit, après un cauchemar dans lequel je voyais ma fille, adulte, habillée en gothique, me hurlant : « Tu m’avais filé un tapis de jeu d’occaze ! Et des bodys de chez Tati ! Je n’ai jamais eu de siège de bain ! Et tu t’étonnes que j’ai mal tourné ! »

Moi aussi je promets à chaque Noël, chaque anniversaire : « Un seul cadeau, hein ! Je ne veux pas qu’elles soient pourries gâtées ! »
Et je ferme les yeux au moment de taper mon code chez JouéKlube pour ne pas voir s’afficher le montant.

Je plaisante en disant « Pff, de toute façon on sait bien qu’ils jouent plus avec le papier cadeau ! »

Il ne faut pas s’auto-flageller, hein. C’est pas de notre faute à nous. On n’est pas les plus forts.

Je les imagine, les maîtres du marketing. Dans un bureau vitré, tout en haut d’un building, tous cravatés et le poil luisant. (oui je sais, je regarde trop de films américains. C’est mon imagination, je fais ce que je veux, na.)

Ils complotent. Ils calculent. Ils savent comment actionner la serrure magique de nos portefeuilles

Ils peuvent compter sur trois choses.
L’ennui d’abord. Je me suis demandé pourquoi on devenait aussi zinzin pendant la grossesse. Mais c’est pas très compliqué, en réalité. 9 mois. 9 mois ! Vous avez déjà attendu quelque chose 9 mois ?! Je veux dire, sans rien faire ? Oui, d’accord, on fabrique des reins, des yeux, tout ça, mais c’est pas comme si ça nous impliquait vraiment le cerveau. Alors faut qu’on s’occupe, qu’on ait l’impression de participer. Je peux pas faire aller les choses plus vite, alors au moins je vais me rendre utile, te préparer des vêtements, des doudous, un nid douillet. Parce que c’est trop looooooong d’attendre !
Pour peu qu’on soit un peu bloquée à la maison, avec l’ordi en train de hurler notre nom « ta carte bleue ! donne-moi ton numéro de carte bleue ! et n’oublie pas le cryptogramme ! », on est foutue.

Puis la culpabilité, bien sûr. Parce que franchement, quel genre de mère on serait, à refuser à notre enfant d’être le plus fort/le mieux immunisé/le plus épanoui/le plus éveillé/le mieux armé ? hein ? alors qu’on a tout à portée de main ? franchement ?

Je n'ai jamais manqué de rien


Mais c’est pas ça, qui m’achève, moi. Non, face à tout ça, je peux encore résister philosopher, décortiquer, analyser, lutter, expliquer.
J’entends encore la petite donneuse de leçons dans ma tête qui me démontre par a + b que non, on n’a pas besoin de ce pyjama puisqu’on en a déjà 87, en tissu, en polaire, à manches courtes, à manches, longues, avec pieds, sans pieds, unis, à pois, à rayures, avec des zèbres, des chiots, des nounours et des rhinocéros.

Et de l’autre côté de ma tête, j’ai ça :


MAIS C'EST MIGNOOOOOOOOOOOOON!!!!!!!!!!!!!!!!!!


Toute résistance est inutile.

Et au fait, Joyeux Noël !



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