Dans mes cauchemars, j'imagine la scène : moi, au milieu de parents assis en rond, la tête basse. Au mur, un écriteau « Les
mauvais parents anonymes ». Je me lève et je murmure :
« Bonjour, je m’appelle Alice et ma fille a eu un rouge. »
Un frisson d’horreur parcourt l’assistance, qui me répond
solennellement en chœur : « Bonjour, Alice ! »
Voilà, c’est dit c’est craché c’est sorti c’est avoué. Ma fille a eu un
rouge. Même deux.
Ami lecteur, toi qui n’as pas l’immense bonheur de posséder un enfant
scolarisé en école primaire, je te vois un peu perdu. Apprends donc que
certaines instituteurstrices/professeur des écoles (que le tout puissant répande sur vos pas des milliers de pétales de roses, ô fées et elfes bienfaisants qui supportez chaque jour 25 fois ce que je ne supporte pas 1 fois et demi) utilisent un système de couleur afin de noter le comportement des
élèves.
À la base, c’est pas trop difficile à comprendre : vert, c’est
bien, orange, c’est bof, rouge, c’est super méga pas bien. Rouge, c’est la dernière
limite avant la garde à vue, quoi.
Je SAIS que vous avez tiré la langue à la maîtresse, mademoiselle, inutile de nier! |
Dans la classe de Princesse Première, si tu as un vert par jour, (car
un vert, ça va… pardon, je digresse), si tu as un vert par jour, donc, tu as une
étoile à la fin de la semaine, et quand tu as cinq étoiles de suite, tu gagnes
un livre. Autant vous dire que Nabilla aura son doctorat de physique quantique
avant que Princesse Première gagne un livre. Ou que je pourrai aller pisser
toute seule. Bref, que des trucs qui n’arriveront jamais.
Car elle a beau être ma Princesse adorée chérie d’amour, force est de
constater que la chair de ma chair a une légère tendance à régler ses conflits
sociaux à coups de pièces de puzzle en bois dans la tronche.
Quand tu es, comme moi, parent d’un enfant qui conçoit parfois
l’autorité comme « c’est le plus tête de cochon qui gagne », chaque
retour d’école est chargé d’un suspense insoutenable. Pas de « tu t’es
bien amusée ? » « qu’est-ce que tu as appris
aujourd’hui ? »… Juste
« qu’est-ce que tu as eu ? ».
Si c’est un orange… Me voilà qui psychote. Je croyais pourtant avoir
tout bien coché sur le bon de commande de l’enfant parfaite ; j’avais pas
envisagé aller voir la maîtresse en baissant la tête… Je m’imagine déjà au
tribunal pour ados délinquants, avec un juge emperruqué qui m’invective :
« Dès la moyenne section, votre fille avait des orange ! Et vous
n’avez rien fait ! Vous êtes responsable, madame ! »
J’aime que ma fille me rapporte des roses, ou des violettes. Pourquoi
pas un p’tit jaune, des marrons grillés, un p’tit noir bien serré, un blanc
aligoté, ou même un blanc de poireau. Pas de bleu à l’âme ou de marron dans la
tronche, non. Je veux bien des oranges à jus. Mais plus d’orange ou de rouge de
l’école, siouplaît…
Puisque c’est comme ça, à mon tour de me prendre un rouge.
Allez, mets-m'en deux. |
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