Parenthèse
préliminaire : n’essayez même pas, vous ne trouverez pas les 7 d’un coup.
Il vous en manquera un. C’est la fatalité, on n’y peut rien. C’est comme les
nains de Blanche-Neige.)
Avant,
on se disait que devenir parent n’allait pas tellement nous changer. Non, nous
n’étions pas naïfs, juste sûrs de nous, bien dans nos bottes, heureux de notre
personnalité qui s’était construite sur tant d’années, tant d’obstacles
surmontés, tant de moments de honte, toutes ces moqueries que l’on a subies,
toutes ces humiliations qui nous ont rendus plus forts… désolée, je deviens
lyrique. Bref, on a sa personnalité et on se dit qu’il n’y a pas de raison que
cela change fondamentalement.
Dans le pire des cas, et si on a un peu abusé des magazines pour parents avec leurs jolies photos pastels, on se dit qu’on va devenir quelqu’un d’encore mieux. On voit ces mamans autour de nous qu’on admire, on voit la nôtre, et on se dit qu’on va gagner en sagesse, en patience, en tendresse. Qu’on va magiquement apprendre à s’occuper de la maison avec le sourire tout en surveillant les devoirs de l’œil gauche et en berçant le transat du pied droit. Toujours avec le sourire. Qu’on va apprendre des tas de choses sur les pommades à administrer en cas de bosse/chute/brûlure, alors que pour l’instant tout ce qu’on connaît c’est notre autobronzant. Et qu’on saura toujours trouver les bons mots pour rassurer, consoler et gronder.
Qu’on
deviendra une meilleure personne, quoi.
Vous
vous doutez bien que je ne vais pas vous encourager sur cette pente glissante
et niaise. D’accord, ce n’est pas complètement faux, le fait de devenir parent,
ce n’est pas si mal, on apprend des tas de choses, on s’adapte, notre caractère
évolue tout ça tout ça. Certes.
Mais
ce qu’on vous cache, et que dans ma grande bonté je m’en vais vous révéler, c’est
que la maternité réveille en nous des tas de choses pas très jolies. Qu’elle
est peut-être la porte ouverte vers le pire d’entre nous. Que parfois elle va
chercher au plus profond de nous des aspects de notre personnalité que l’on
aurait préféré oublier.
Voilà
la vérité : au cas où votre jeunesse tumultueuse ne vous aurait pas déjà
voué à l’enfer, sachez que la maternité va vous faire basculer dans les 7
péchés capitaux. Je sais, c’est dur. Mais je suis là pour vous prévenir.
Aujourd’hui,
le 1er d’entre eux : la colère.
Vous
l’avez déjà vue, cette mère hystérique aux cheveux dressés sur la tête, qui
hurle à s’en péter les cordes vocales ? Vous vous êtes déjà demandé ce qui
avait bien pu arriver à cette pauvre créature pour qu’elle en arrive là ?
C’est bien simple : un enfant. Ne croyez pas qu’elle est née comme ça. Il
y a quelques années, c’était une sémillante jeune fille, qui souriait à la
caissière et ne râlait même pas quand quelqu’un lui passait devant dans la
file.
Ce qu'on ne nous a jamais dit, c'est qu'en réalité c'est juste Cendrillon après 3 enfants. |
Je
ne remets pas une seconde en cause l’amour infini et inconditionnel que vous
ressentez pour vos enfants, que je ressens pour les miens. Il n’y a aucun être
humain sur cette terre que j’aime autant. Comme il n’y a aucun être sur cette
terre qui n’ait pu me mettre autant en colère.
C’est
parfaitement logique, après tout. Un certain nombre de dirigeants politiques,
d’animateurs télé et de mecs en bagnole peuvent me mettre pas mal en colère,
menfin je vis pas avec, je ne les élève pas, ils ne m’empêchent pas (trop) de
dormir et je n’ai pas à me considérer responsable d’eux. (J’ignore ce qu’en
pensent leurs mamans…) Et je ne les aime pas. Mes enfants, je les aime plus que
tout, et la colère peut être à la hauteur de cet amour.
Mais
cet adorable bébé rose qui enfonce mignonnement son nez au creux de mon coude
peut me mettre dans tous mes états.
Peut-être
ne faut-il d’ailleurs pas parler de colère. Je veux dire, je ne leur en veux
pas vraiment, à mes princesses. Quand je réfléchis posément, je me doute bien
qu’elles ne font pas vraiment les choses juste pour m’emmerder. Non, ça ce sera
plus tard. Et même à l’adolescence d’ailleurs, les enfants, je crois, ne font
pas réellement leurs conneries pour embêter leurs parents, mais pour grandir,
pour essayer, pour s’affirmer… tout ceci ne pouvant s’accomplir qu’en emmerdant
ses parents.
Alors
je ne sais pas si c’est de la colère. C’est parfois de la fatigue, parois et
surtout de la frustration.
On
sait bien que c’est absurde d’être en colère contre un bébé. Qu’il ne sait pas
qu’il est en train de nous empêcher de dormir et qu’on a des tas de choses à
faire demain. Que le manque de sommeil plus les décibels à fond, c’est
Guantanamo dans ton salon. Et nous, on ne lui en veut pas vraiment. C’est juste
qu’il est 4 heures du mat, qu’on a dormi une heure, qu’il est nourri changé
câliné, et que le manque de sommeil nous a ramené à nos besoins primitifs. Oui
on l’aime, oui on sait que ça arrive, que ce n’est pas grave, que ça va passer…
Mais là on voudrait juste dormir. Alors, même si on sait que c’est injuste, on
lui en veut. On le pose dans son lit tout hurlant, et va à la fenêtre pour
respirer très fort. Parfois, le temps qu’on reprenne nos esprits, il s’est endormi.
On va le regarder dormir et on ne se souvient plus de notre colère. On s’est
encore fait avoir.
Puis
le bébé grandit. Et la colère revient. Il refuse obstinément de manger ce qu’on
lui présente, il balance à terre tout ce qu’on pose devant lui, il part dans
l’autre sens quand on l’appelle… Là encore, on a beau savoir que c’est normal,
que c’est même bon pour son développement, tout ça, on a quand même un peu
l’impression que « phase d’opposition », c’est la manière polie de
dire « plaisir de faire chier le monde ».
La
première fois que Princesse Première m’a regardée droit dans les yeux, après
que je lui ai dit « arrête de taper ta cousine ou tu es punie » et a
lentement abaissé sa main sur ladite cousine (la pauvre, qui n’avait pas
demandé à être le cobaye de mes expériences éducatives), j’ai juste été
surprise, je crois.
Je suis PAS une princesse! |
Je
me disais, je suis adulte, je sais ce qu’il faut faire pour s’en sortir dans la
vie, pour communiquer avec les autres, pour manger proprement et se promener
dans la rue sans se faire écraser, et tout ce que je veux, c’est transmettre ma
sagesse ancestrale à cette enfant que j’aime plus que tout. Je sais ce qui est
bon pour elle (et pour moi accessoirement. Parce que soyons honnêtes, qu’elle
apprenne à jouer seule dans sa chambre, c’est certes bon pour elle, mais c’est
un peu surtout pour moi, au départ. Mais comme une maman contente et reposée,
c’est bon pour elle, finalement, tout le monde y gagne.) Alors, qu’elle refuse
de faire ce que je lui disais alors que
c’était ce qui était le mieux pour elle, ça me mettait dans une frustration
folle. En colère, donc.
Il
m’a parfois fallu faire appel à plus de volonté que je ne le pensais possible
pour ne pas tomber dans des colères monstrueuses. Il m’a parfois fallu quitter
la pièce. J’ai parfois (souvent ?) hurlé à m’en faire mal à la tête. J’ai
été tout le contraire de la maman que je voulais être.
Parce
que c’est formidablement perturbant de voir que cet enfant qu’on a fabriqué,
qu’on aime et dont on veut le bien, ne nous suit pas, ne veut pas faire ce
qu’on lui demande… Et puis, c’est quand même la première et la seule fois dans
notre vie que l’on est autant responsable de la vie de quelqu’un, de ses
actions.
Même
un chef d’entreprise peut se faire porter pâle une fois de temps en temps ou
virer ses employés indisciplinés. On peut sécher les cours, s’échapper du
boulot, tirer au flanc… Pour les enfants, et pour la première fois, on doit
toujours répondre présent, même quand on n’est pas en état, et même si on est
vraiment malade.
Alors,
quand la chose la plus simple prend des plombes, quand notre enfant fait par
principe le contraire de ce qu’on lui demande, ça peut être assez pour nous
mettre dans des colères noires. Quand il veut nous montrer qu’il est une autre
personne que nous, en fait.
Alors
oui, il pourrait bien montrer qu’il est un individu à part entière tout en
mettant ses chaussures et sans renverser son yaourt sur la tête de sa petite
sœur. Mais ça, il apprendra plus tard. Pour l’instant, il fait avec ce qu’il
peut.
Je
sais que je serai encore en colère, longtemps et souvent. Je sais que je
hurlerai et que je m’en voudrai d’avoir hurlé. J’essaie de me dire que ce n’est
pas si grave. Que comme ça, mes princesses apprendront petit à petit que leurs
actions ont des conséquences, que les autres êtres humains ont des sentiments,
et que leurs parents sont faillibles. Que c’est une des manières d’ouvrir petit
à petit leur monde. Et puis de toute façon, je n’ai pas encore trouvé le moyen
de faire autrement.
Attends seulement que j'aie 13 ans, tiens. |
Avant
de terminer, je voulais quand même ajouter une chose.
Il
n’y a pas que par rapport à nos enfants, que de devenir parent fait de nous des
êtres en colère. Quand on devient parent, le monde nous met en colère. La
pollution, les guerres et les enfants malheureux, tout ce que vous voulez. Ce
n’est pas qu’avant, je n’en avais rien à faire des petits cancéreux ou des
enfants d’Afrique ; c’est juste que depuis, quand je voie un reportage sur
les enfants malheureux ou un enfant qui mendie dans la rue, j’ai l’impression
que c’est le mien, et je ne peux pas le supporter.
Mais
ça, je crois que c’est une saine colère, de celles qui font avancer les choses.
merci...ma fille de 3 ans viens de me piquer une de ses crises incroyable qui me mets dans une colère épouvantable et oui j ai hurler et après je me sentais mal, et je suis tombé sur ce blog et après avoir lue ceci, j'ai réussis a me calmer et même a rire, merci de nous permettre a nous les mamans de se sentir moins coupable en énonçant une vérité tout ce qui est des plus tabous :)
RépondreSupprimerDésolée de ne pas t'avoir répondu plus tôt! J'espère que ta fille s'est calmée depuis... Nous aurons encore toutes des colères, mais on sait qu'on n'est pas les seules... Bon courage alors! :-)
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerCette publication m'a remis les idées en place d'une certaine façon..je vis mal la scolarité de mes enfants et la moindre mauvaise note me met dans tous mes états .. j avais oublié l essentiel .. voir mes enfants en bonne santé et sentir que je suis la seule personne capable de les protéger et de les aimer plus que personne ne le pourra jamais..Avoir la chance de vivre auprès d'eux de pouvoir les voir les câliner les dorloter .. Merci de m'avoir ouvert les yeux ..
Merci Alice. Tu écris vraiment bien, tes propos sont justes et percutants. Je suis étonnée que tu ne sois pas plus suivie sur la blogo !
RépondreSupprimerT'es gentiiiiiille! Disons que je commence, je suis un bébé blogueuse... Si tu veux me faire de la pub, surtout n'hésite pas :-)
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